Tissage mécanique Bobot-Descoutures au Bas-de-Maure
La quasi-totalité des industriels fertois du textile sont d’origine modeste. C’est les cas de Jean-Louis Bobot (1790-1868), fondateur du tissage éponyme. Fils d’un agriculteur, il est le né à Rânes et exerce la profession de compagnon passementier lorsqu’il épouse en 1817 Hortense Clérice. Vers 1820, il exerce pour son propre compte la profession de tisserand à main dans les mêmes années que Jacques Retour et François Salles, fondateurs des deux plus importants tissages mécaniques fertois. Dix ans plus tard, il est recensé fabricant. Il adjoint à son nom celui de son épouse dont la famille a, sans doute, contribué financièrement au démarrage de cette activité qui nécessite quelques capitaux. Il emploie en 1840, 74 ouvriers et plusieurs centaines de tisserands à domicile et fait tisser des coutils et toiles tout coton, chanvre et coton ou lin et coton. Il est recensé en 1846 rue du Collège, puis en 1851, rue de la Barre (habitation et magasin) jusqu’à son décès. En 1857, son fils Edouard Bobot (1830-1913) se marie avec Eulalie Ernult-Descoutures et par un jugement du tribunal civil de Domfront en 1882, prend le nom de Bobot-Descoutures. L’entreprise est prospère et se développe rapidement. Elle paie la sixième plus importante patente fertoise en 1861. Quatre ans plus tard, elle a doublée.
Edouard Bobot succède à son père et sa réussite économique accompagnée d’un esprit d’entrepreneuriat lui permet de passer de l’artisanat à l’industrie en construisant un tissage mécanique pour faire face à la concurrence nationale et aux importations de tissus anglais, facilitées par les nouveaux traités de commerce avec l’Angleterre. Avant sa mise en activité, l’immeuble, la machine à vapeur et les métiers sont bénis par le clergé ; une vierge est placée dans la souche de la cheminée. L’usine, implantée au bas-de-Maure (emplacement actuel du magasin Bricomarché) comprend 7 parties : magasins aux chaînes – salle de canetage, ourdissage, bobinage – salle de parage – salle de rentrage – salle de tissage – salle de pliage – salle des machines. Elle compte 75 métiers à tisser à sa création et 219 lors de son agrandissement en 1890. Le sculpteur fertois, Marcel Pierre peindra dans cette usine deux fresques.
Son magasin général se situe rue de la Barre, en limite avec les bureaux de l’entreprise (au N°20). Les pièces de toiles y sont transportées pour être métrées, préparées avant expédition et stockées. Les principaux articles fabriqués sont : coutils pour literie, pour corset, toiles coton, toiles lin et coton, toiles lin et chanvre, tirants pour botte, cotonnades pour blouses et tabliers, chemises, mouchoirs… L’entreprise se développe pour atteindre 306 salariés en 1883 et rachète en 1913, la blanchisserie créée par Louis-Marie Guilmard, située à Robert.
Une première société en nom collectif « Bobot-Descoutures, Appert et Cie » est constituée en 1881 et un dépôt créé à Flers. La main d’œuvre est principalement féminine ; en 1883, les 306 emplois se décomposent ainsi : 86 hommes, 155 femmes, 15 filles mineures et 50 enfants. Dissoute en 1890, une nouvelle société est constituée, entre Edouard, son fils Gérard (1869 – 1943) et son neveu Emile Bobot-Descoutures. En 1900, ce tissage fertois est le troisième en importance. En 1917, « Bobot-Descoutures et Cie » est repris par un patron du Nord, Jean Hié dont le tissage a été totalement détruit. Il donne un rapide essor à l’entreprise qui passe de 165 ouvriers en 1913 à 305 en 1918 soit le même nombre d’emplois que chez Retour frères et François Salles. Sa production annuelle est de 1 000 000 de m2 de tissus. Avec le départ massif des hommes au front, les usines manquent de main d’œuvre et des ouvriers du Nord sans-emplois viennent s’installer à la Ferté-Macé dont certains au tissage Hié. En juillet 1918, il est estimé que plus de 10% des ouvriers dans les tissages fertois viennent du Nord et du Pas-de-Calais. Le tissage travaille à 65% pour l’armée en produisant des fournitures militaires. En 1920, il est repris par consortium Dickson-Walrave et huit ans plus tard, par la Sarl « Société textile de l’Orne » créée par quatre associés dont l’ancien directeur de ce tissage. Quelques mois plus tard, il est le quatrième tissage à cesser son activité sur les 9 que comptait la ville. En 1930, Grégoire et Barilleau, fabricant de câbles, gaines isolantes et faisceaux pour l’industrie automobile s’installe sur ce site. L’activité industrielle cesse définitivement en 1987. Le conseil municipal décide alors d’acquérir cet ancien tissage avec le projet d’un musée du textile et de salle des fêtes. Symbole fertois de l’industrie textile, la cheminée est arasée vers 1970 et l’usine détruite en 2006.
Famille catholique pratiquante, le couple Bobot-Clérice est parent de trois enfants, Louis qui deviendra prêtre, Zénaïde religieuse et Edouard, manufacturier. Ce dernier est membre du Conseil de fabrique. Symbole de réussite sociale, il fait construire la maison « Bobot » en 1884, à l’emplacement de l’ancien Petit-Séminaire dont il sauvegardera la chapelle à son pignon sud. Notables fertois, les Bobot s’impliquent dans la vie locale. Ils sont membres de la Chambre consultative des arts et manufactures dès 1849 et Edouard puis Gérard sont successivement conseillers municipaux pendant plus de trente ans. Un des éléments de leurs aisance financière se manifeste par leur patrimoine foncier comprenant en autre : la ferme des Prises sur la commune de Saint-Michel-des Andaines qui comprend le manoir du XVIe siècle, la chapelle Notre-Dame des Prises, le domaine de Fierville dans le Calvados avec une ferme de plus de 150 hectares en culture nécessitant 30 chevaux de travail, le domaine de château de la Motte-Fouquet dans l’Orne. La propriété fertoise Bobot-Descoutures est achetée par la ville en 1949. Le conseil municipal souhaite destiner ces immeubles aux services suivants : « goutte de lait », consultations des nourrissons, consultation médico-scolaire et industrielle et les services incendies dans les communs.
Michel Louvel, Avril 2017.
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